Frime et châtiment


– Ca ne va pas. Please retweet.

– J’ai pas d’inspiration. RT plz

– J’en ai marre.

– Où suis-je, où verve ?

– Je fais de la merde

– Aie

– La vie me hait.

– Je vous saoule là ? C’est ça ?


– Problème avec mon serveur. Quelqu’un pour m’aider ? DM plz.

Seul devant son écran d’ordinateur le twitteur-blogueur rumine ses doutes. Il vient de casser la croûte, se dit que ce serait bien que quelqu’un l’écoute. Ce soir encore il n’a pas l’inspiration, ça fait d’ailleurs un moment qu’il se remet en question. Son trafic n’est plus à la hauteur de sa grandeur. Il pense raccrocher mais retomber dans l’anonymat de la société lui fait peur et puis il n’a pas encore « percé » comme ces blogueurs qu’il envie et qui ont fait fortune parce qu’ils étaient précurseurs.

Il n’a plus envie de se confier dans ses billets qu’il a tendance à enjoliver pour se faire envier. C’est d’ailleurs ce qui fait sa célébrité et jusque-là, il n’a jamais hésité à en rajouter, quite à parler cul parce qu’il a remarqué que c’est ce qui payait. Mais là, il veut miser sur l’authenticité. C’est tendance, il parait.

Il cherche une écoute, ou plutôt, un lecteur qui veuille bien le rassurer, lui dire ô combien ses billets sont désirés. Oui, il est en mal de popularité et il cherche un moyen de l’exprimer. Twitter le lui permet. Ca tombe bien, il est grassement followé. Alors il va se lamenter, semer des petits tweets plaintifs à la volée, poster des messages de détresse sans trop de caractères et sans flooder. On ne sait jamais, faudrait pas perdre sa communauté.

Alors il va choisir le moment de forte affluence pour se mesurer son influence. Il veut voir s’il peut compter sur un réseau soucieux.

Un nouveau tweet : « au fond du gouffre, j’étouffe »

Il scrute son écran. Rafraichit sa page en espérant un bavardage.
Il relance. « En plein doute, je me demande si ce n’est pas mon cerveau qui est en déroute ».

Un tweet en chasse un autre et ce soir, son audience n’est pas attentive à son désespoir. Ce qui lui troue le flux c’est ce livetweet de la « Nouvelle Tare » qui lui vole la star. Il n’est que lui ce soir, assis à son bureau, hagard comme le lapin devant les phares.

« Marre des connards qui livetweetent de la merde, bande de cons, je me meurs Loic »

C’est l’horreur. Il n’y a pas pire pour le mettre de mauvaise humeur que de passer inaperçu dans cette masse de followers déserteurs.

Une réponse !
« Courage »
Humiliation ultime. Ce message entérine sa déprime. Il voulait être plaint… Il reviendra demain.

Je finirai ce billet par une adaptation toute personnelle d’une célèbre fable de fabulateur.

Hé ! bonjour Monsieur le blogueur.
Que vous êtes joli ! Que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramdam se rapporte à votre influence,
 vous êtes le phénix des hôtes de ces réseaux sociaux.»

A ces mots, le blogueur ne se sent plus pisser et pour montrer sa belle part de voix,
 il ouvre un large bec et se laisse tomber dans la gueule du loup (enfin du renard).
 Le renard s’en saisit, et dit : « Mon bon monsieur l’influent,
 apprenez que tout flatteur
 vit aux dépens de celui qui l’écoute. 
Cette leçon vaut bien un billet sans doute. »
Le blogueur honteux et confus,
 jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

Aux blogueurs racoleurs qui jouent avec le leurre, misant sur le désespoir pour devenir un best-seller, je vous plaindrai quand j’aurai le temps, en déposant ici une verve « à votre gloire d’antan ».

9 Commentaires

  1. Autant en emporte le tweet ^^

  2. et dire que je suis même pas dans ta blogroll, c’est pas drôll 🙁
    (à lire avec un regard de chien trempé jusqu’aux os //à moelle)

  3. Aaah, quel beau post 🙂
    C’est toujours un plaisir de te lire, si si, Inzecity ce sont des petites pépites de verve qui vienne pétiller dans ces timelines déprimées 😉

  4. Pourtant « L’humour est la politesse du désespoir » (Boris Vian) …
    J’adore votre désespoir !!!

  5. Merci !
    @youyouk tu me fais penser qu’il faut que je fasse du rangement dans cette blogroll mais j’ai une flemme de ménage

  6. Je découvre ton blog et je vais pas te sortir que les articles sont pas mal trouvé et que ça me fait bien marrer de peur de passer pour un flatteur !

  7. – Qu’on les pende, tous !
    – Non mais ça va pas ? Qui ça d’abord ?
    – Les faux désespérés.
    – Tu veux qu’on reste entre vrais désespérés ? Pouquoi ?
    – Ceux là se pendent tout seul.

  8. Tu sais ce qui me gonfle le plus dans les bloggueurs en manque de popularité ? Ceux qui te font le coup du « je ferme ce blog » tous les mois… Avec les commentaires ouverts bien sur, pour revenir deux jours plus tard « sur vos demandes incessantes »….
    Bel article encore !

    1. A force de crier au loup hein ! 😉
      merci beaucoup miss !

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